Fatigue du changement, quelques pistes pour agir au niveau de l’organisation

Il y a une dizaine d’années, j’assistais à une conférence RH. Le sujet exact m’échappe, mais je me rappelle d’un slide tout simple, que j’ai reproduit avec grand art ici à gauche.

On a vu et re-re-vu ce genre de schéma aujourd’hui.

Le premier dessin représentait les changements « avant » (avant 2015 donc): des périodes de transformation suivies de moments de stabilité, laissant le temps aux individus et aux organisations de souffler. La seconde, celle du monde de 2015, montrait des vagues de changements plus rapprochées et qui se superposaient.

Je me demande à quoi ressemblerait ce schéma en 2025… Peut-être à quelque chose d’encore plus chaotique, selon les ressentis. Vous le dessineriez comment, vous ?

De la lassitude à la saturation du changement

Nous entendons parler de plus en plus de fatigue du changement et même de saturation du changement. Cette dernière notion désigne le moment où les individus ou l’organisation ne sont plus en mesure d’absorber de nouvelles transformations. Pour faire simple, la capacité d’adoption est dépassée, et l’organisation finit par ne plus pouvoir changer du tout*. Un risque majeur dans un contexte sans cesse en mouvement.

Car une chose semble certaine : l’accalmie ne viendra pas. Chercheurs et experts s’accordent à dire que le nombre de changements va continuer d’augmenter, porté par les crises successives et l’accélération technologique.

En conséquence, un des message dominant dans les organisations est qu’il faut être agile, savoir s’adapter rapidement, embrasser le changement en continu. On a aussi beaucoup parlé de la fameuse résilience. Bien entendu, cette capacité est précieuse, et ce dans toutes les sphères de la vie, mais je lui préfère – dans un cadre professionnel – des approches qui engagent l’organisation elle-même. Des démarches où la responsabilité du changement est partagée et où l’on ne laisse pas l’individu seul face aux turbulences.

Au lieu d’exiger des personnes toujours plus de résilience, pourquoi ne pas aussi repenser la manière dont l’organisation elle-même génère et accompagne ses transformations ?

Voici quatre pistes essentialistes qui me tiennent particulièrement à cœur. Aucune solution miracle, mais des intentions qui peuvent réellement faire la différence.

*Cette fatigue est une raison parmi d’autres qui limite les capacités de changement et d’évolution des organisations, mais elle n’est bien sûr pas la seule.

Monitorer les changements dans l’organisation

Certaines organisations ont commencé à analyser et suivre le volume et l’ampleur des changements en cours. Un peu comme un PMO, mais dédié au changement. On parle parfois de Change Management Office : une cellule qui identifie les populations les plus impactées, mesure le niveau de transformation, repère les contradictions ou encore évite les accumulations de réformes majeures au même moment.

Pourquoi est-ce intéressant ?

Parce que de nombreux managers sous-estiment l’impact humain des changements. En ayant une vision claire et objective de leur ampleur, il devient peut-être plus facile de prioriser, d’éviter la surcharge et de mieux comprendre la réalité vécue par les équipes. Une approche courageuse qui permet aussi d’aménager des périodes de stabilité lorsque cela est nécessaire.

Attention quand même : ceci pourrait aussi devenir une énième usine à gaz rajoutant des couches de suivi. 

Stopper la course aux initiatives

Le temps n’est plus à la multiplication des projets pour donner une impression de dynamisme ou flatter l’ego des décideurs. Chaque nouveauté, même bien intentionnée, génère des secousses.

Lancer un énième projet sans mesurer sa pertinence revient à nourrir la perception que « tout change tout le temps », amplifiant ainsi le sentiment de lassitude, la charge mentale, le stress… Rationaliser les initiatives ne signifie pas ralentir l’innovation, mais au contraire maximiser l’impact des changements réellement nécessaires et leur donner les meilleures chances de succès.

Investir réellement dans la gestion du changement

Enfin, il est temps de voir la gestion du changement comme un investissement stratégique plutôt qu’un simple supplément facultatif.

Une bonne gestion du changement augmente significativement les chances de réussite des projets. Et lorsqu’un changement est bien vécu, il génère de la confiance et de l’énergie pour les suivants.

Malheureusement, dans de trop nombreuses situations, cette dimension est soit absente, soit intégrée trop tard. À ce stade, on ne fait souvent que limiter la casse. Quel dommage !

Adapter l’intensité de la gestion du changement

Un changement en vue ? Très bien, autant préparer son accompagnement dès maintenant. Mais attention à ne pas tomber dans l’excès inverse : on ne tue pas une mouche avec un bazooka !

Une gestion du changement trop lourde, envahissante ou complexe peut, paradoxalement, devenir une source supplémentaire de fatigue.

L’enjeu est donc de trouver le bon dosage : adapter l’accompagnement à l’impact réel du changement et aux besoins des personnes concernées.

Conclusion

Investir dans une gestion du changement plus consciente et mesurée, c’est sans doute un bénéfice aussi bien pour l’individu que l’organisation.

Plutôt que trop souvent faire porter le poids de l’adaptation sur la personne, et d’exiger toujours plus d’adaptabilité individuelle, il est possible d’agir au niveau global : en rendant visibles les changements en cours, en évitant la surenchère d’initiatives et en ajustant les démarches d’accompagnement pour qu’elles servent véritablement ceux qui les vivent.

Le changement fait partie de la vie des organisations, mais il peut être abordé autrement : avec plus de discernement, plus de cohérence et plus de soin.

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